Le NeuroMarketing
Auteur : Yvan Valsecchi
-
I - AVANT-PROPOS
- II - UN PEU DE THÉORIE
- III - LE NEUROMARKETING
- A - Les mesures utilisées par le Neuromarketing.
- B - Rôle de l'émotion sur la décision.
- C - Le contexte est important pour une publicité.
- D - L'empreinte d'une marque dans le subconscient.
- E - Pour avoir du succès, une marque doit toucher les émotions.
- F - L'avenir : une pub sans logo.
- G - Les messages du type " Fumer tue " sont inefficaces.
- H - Le sexe ne fait pas vendre.
- I - Avec tout ça, on nous ne manipule pas.
Chapitre III - LE NEUROMARKETING
A - Les mesures utilisées par le Neuromarketing.
La mesure de l'émotion. C'est ce que cherchent à faire depuis longtemps les psychologues, les médecins, mais aussi les responsables du marketing. Comprendre ce qui nous remue en profondeur, ce qui motive nos choix voilà ce que proposent de plus en plus de sociétés de neuromarketing.
L'entreprise de neuromarketing NeuroFocus Berkley USA, mesure l'efficacité d'une publicité grâce à l'encéphalogramme. Ils observent les ondes électriques du cerveau au moyen de 64 capteurs. Chaque capteur contrôle le cerveau 2000 fois par seconde. Donc en une seconde 128000 données sont enregistrées. Seuls trois paramètres sont mesurés, mais très précisément durant le passage de la publicité :
Chaque paramètre a son propre score, et c'est leur combinaison qui donne le score général d'efficacité de la publicité en question. L'attention est ce qu'il y a de plus facile à capter, donc le score est en principe élevé. Le profil émotionnel a des hauts et des bas, et c'est ce que l'on veut voir. Une émotion trop forte peut provoquer un rejet. On se fatigue très vite de certaines publicités. La dernière mesure c'est la mémoire et c'est la plus difficile à capter. Le mieux, c'est quand la mémoire est élevée à la fin. Si la marque ou le message est placé au même endroit, il est alors certain que le consommateur se souviendra de cette marque.
B - Rôle de l'émotion sur la décision.
La mémoire d'une publicité ne signifie donc pas forcément l'achat du produit. Mais qu'en est-il de nos émotions ? Ont-elles de l'influence sur la décision d'achat ?
Pourquoi s'intéresser particulièrement au processus de décision ? Parce que sans nous en rendre compte, nous passons notre temps à décider des habits que nous portons aux actions que nous faisons chaque jour, notre vie est une succession de décisions.
À Palo Alto, CA, Brian Knutson, chercheur en Psychologie, université de Standford s'intéresse au rôle de l'émotion sur la décision. Et pour cela il a choisi la décision d'achat parce qu'elle est rapide et l'émotion qui la précède facile à observer.
« Ce qui nous intéresse, ainsi que d'autres laboratoires, ce n'est pas seulement ce qui se passe au niveau émotionnel avec ce qui nous arrive, comme avoir une bonne note ou gagner cent dollars. Mais aussi avant que cela n'arrive avant de prendre une décision, avant même de s'en apercevoir, est-on dans un état émotionnel ? Et, si c'est le cas, cela influence-t-il notre décision et notre comportement ? Nous avons fait une expérience, pour comprendre comment les gens achètent. Parce que acheter, faire du shopping, sont des décisions économiques prises par la plupart d'entre nous. Et l'intérêt est évident entre autres pour les économistes, les marketers, les psychologues ».
Pour comprendre si l'émotion permet de prédire nos comportements, Brian demande à des cobayes de faire leur course sous IRM. Au début de l'expérience il leur donne 40 dollars. Puis il leur montre une série d'articles qu'ils peuvent acheter ou pas. Les cobayes repartent avec leur course et le reste de l'argent, s'il en reste. Le plus étonnant c'est Brian Knutson peut prédire la décision d'achat avant même qu'elle se prononce. Simplement en regardant leur cerveau.
« Nous avons découvert que si la zone cervicale impliquée dans l'anticipation des choses agréables, le nucleus accumbens, si cette zone s'active quand les gens voient un produit, ils vont l'acheter. Même s'ils n'ont pas vu le prix. Mais, quand ils voient le prix, si c'est une autre zone qui s'active, comme l'anticipation de choses désagréables, ou d'autres choses comme l'anticipation d'un choc, ou la vision d'une horrible photo, ou voir quelqu'un qui souffre. Si cette zone appelée insula est plus active, alors il est probable qu'ils ne vont pas acheter ».
C - Le contexte est important pour une publicité.
Être ému par une publicité, s'en souvenir, voilà des critères désormais mesurables. Mais est-ce suffisant ? Une publicité a-t-elle le même impacte quelle que soit sa place dans la programmation ? La société Neurosense la plus grosse société de neuromarketing en Europe a mené une étude sur l'implication du spectateur lorsqu'il regarde une publicité. Le client de cette étude, la chaîne MTV, veut savoir s'il n'y a pas moyen d'affiner les tarifs des espaces publicitaires en fonction des programmes qui les entourent. Là encore, un cobaye sous IRM regarde une émission en l'occurrence South Parc entrecoupé de publicités.
Gemma Calvert cofondatrice de Neurosense nous explique : « Nous avons découvert que l'ensemble du cerveau est bien plus actif quand les publicités sont vues dans un contexte pertinent que l'inverse. Les aires cérébrales impliquées dans la mémoire, l'attention, la compréhension, les traits émotionnels dominants, etc ... Un large éventail de zones cérébrales. Si on prend les choses à l'envers pour chercher les zones actives dans un contexte non pertinent, nous n'observons pas grand-chose. Et pourtant ces résultats correspondent aux mêmes stimuli. Il y a donc intérêt à faire attention au contexte de programmation et on peut mesurer, dans ce contexte également, la quantité de mémoire utilisée en fonction de la pertinence du contexte. Cela montre l'avantage de placer la publicité au bon endroit au lieu de se ruiner pour la mettre en prime time dans un contexte qui ne serait pas pertinent ».
D - L'empreinte d'une marque dans le subconscient.
A.K. Pradeep, PDG NeuroFocus Berkley USA : « Si je vous demande si vous êtes fidèle à une marque, vous me direz « Non, je ne suis pas un chien, je n'ai pas de loyauté, je veux ce qu'il y a de mieux ». Mais, dans votre subconscient, vous êtes peut-être fidèle, même si vous avez du mal à l'admettre. Donc, on ne vous le demande pas. On vous dit juste : Vous allez voir des mots sur un écran pendant une demi-seconde. Certains sont accompagnés d'un point rouge, d'autres non. Vous devez trouver les mots avec un point rouge. Que se passe-t-il alors ? Chaque fois qu'un mot apparaît accompagné d'un point rouge votre cerveau fait : « Ah ah ! Voilà un mot avec un point rouge ! » On appelle cela la réponse « Ah ah ». En terme neurologique c'est la réponse P300. Une signature absolument unique. Mais quand le nom d'une marque apparaît, il n'y a jamais de point rouge. Malgré tout, quand une marque apparaît, si elle signifie quelque chose pour vous, votre cerveau fait « Ah ah ». Cela indique clairement le niveau de résonance de la marque et son empreinte dans votre subconscient. »
E - Pour avoir du succès, une marque doit toucher les émotions.
Aujourd'hui les publicitaires savent qu'il est quasi inutile de toucher au rationnel mais qu'il faut toucher aux émotions. Plus nous arriverons à comprendre précisément les comportements inconscients plus ce sera facile à contrôler les préférences des consommateurs pour une marque ou pour une autre.
Martin Lindstrom s'est servi d'un électro-encéphalogramme pour observer l'impact des pubs dans la tête des consommateurs. Il a mesuré la réaction cérébrale de dizaines de téléspectateurs qui regardaient la version américaine de la nouvelle star (American idol). Émission sponsorisée par plusieurs marques qui cherchaient à se profiler. Pour certaines ça a été le bide. Ford était en fait la marque qui a le moins bien réussi.
« D'abord on se demande ce qu'une voiture a à faire avec un concours de chant. Tout à coup les téléspectateurs voient une voiture au milieu du show et ils pensent : mais ça n'a rien à voir et chose intéressante, cette pensée n'apparaît pas dans la partie consciente de leur cerveau, mais dans leur inconscient. C'est comme s'ils se disaient : je suis en train de regarder une émission maintenant, pourquoi diable doit-elle être interrompue par une voiture ! Alors le cerveau se dit à lui-même : comment puis-je me débarrasser de cette information et il se débarrasse du nom de la marque FORD. Ce résultat de notre recherche a été choquant pour Ford parce que nous avons découvert que le cerveau a littéralement gommé la marque, car ça ne lui plaît pas que l'émission soit interrompue. À la poubelle les 26 millions de dollars investis par Ford alors que Coca-Cola plus discret a brillamment réussi sa campagne. Ils ont placé des indices subliminaux dans le décor, on voyait le présentateur de l'émission lever son verre de Coca en le dégustant. Ou, on apercevait un canapé avec des dessins aux formes bizarres correspondant au galbe arrondi de la bouteille de Coca. Ce qui correspond à la signature de la marque. Ils plaçaient donc systématiquement ces formes arrondies dans le décor pour que, de manière inconsciente, on se dise : eh, j'ai envie d'un Coca ! Mais sans savoir pourquoi. Et le fait de ne pas le savoir nous rend moins septiques et ainsi il y a plus de chances qu'on court vers le frigo pour y prendre un Coca ».
F - L'avenir : une pub sans logo.
La publicité allusive peut être diablement efficace. Martin Lindstrom l'a expérimenté lui-même. Il a installé deux affiches de Malboro dans Los Angeles. Sur l'une, il y avait un Cow-boy qui regardait le paysage. Sur la deuxième affiche, il y avait le même cow-boy mais cette fois-ci avec le nom de la marque.
« Avec le logo de la marque, l'impacte publicitaire était deux fois moins efficace que sans le logo. On sait donc aujourd'hui que si on vous dit le nom d'une marque vous êtes moins influencé parce que vous devenez méfiant. Vous vous dites : eh, ils veulent me persuader d'acheter plus, mais je ne veux pas ! Et en voyant le cow-boy vous pensez : eh, j'ai envie d'une cigarette ! Et dans ce cas vous êtes sous influence. Les pubs les plus percutantes au monde sont les pubs sans logo. Par exemple, les écouteurs blancs, il suffit de les regarder pour savoir que c'est un iPod, que c'est Apple. Ce qui va arriver à l'avenir, c'est que les marques vont être dissimulées. Les produits ne diront pas qui ils sont, vous le devinerez. Et quand vous le devinez il arrive deux choses : d'abord votre filtre de scepticisme baisse, et ensuite vous êtes en interaction avec le produit. Quand vous êtes en interaction, vous vous souvenez de plus de choses que si vous êtes un observateur passif. À l'avenir le logo va donc disparaître et les symboles vont prendre le dessus : l'odeur de la voiture, la sonnerie du téléphone, le toucher de la télécommande et toutes ces choses vont raconter une histoire indirecte sur la marque et c'est vous qui allez deviner qui c'est ».
Pour Martin Lindstrom : « Si la pub est bien faite c'est comme une religion. C'est du moins comme un des aspects de la religion. La religion a dix piliers qui la rendent très puissante. L'un d'entre eux est l'évangélisme. On pourrait comparer la publicité à de l'évangélisme. Un peu comme quand on va à l'église. Sans vouloir offenser personne, une église c'est comme un show room. Le logo c'est la croix. Tout cela est très puissant. Mais une église ne mettrait jamais des panneaux publicitaires. Ce serait beaucoup trop. Une église au contraire, laisse les gens répandre sa parole, ce qui est plus authentique. Et devinez quoi ? Les marques font la même chose maintenant ».
G - Les messages du type " Fumer tue " sont inefficaces.
Les fidèles consommateurs serviront-ils les intérêts des marques ? Peut-être. Mais si les marques ont recours aux fidèles, quelles stratégies peuvent utiliser les pouvoirs publics pour des messages de prévention. Disons pour nous dissuader de fumer. Parmi ses découvertes Martin Lindstrom a eu la surprise de constater deux choses : les messages du type « fumer tue » sont inefficaces et le recours au sexe dans la publicité ne sert à rien.
« Nous avons fait deux découvertes importantes. En testant les messages de santé sur les paquets de cigarettes, on a vu que ça ne marchait pas. En effet, ils ont l'effet inverse. Et ça, c'est une énorme surprise. Je travaille avec plusieurs gouvernements pour résoudre le problème du tabagisme. Et, pour être franc, ce n'est pas pour demain. Mais on peut sans doute améliorer la situation. Ce que nous avons appris à propos des messages sur les paquets, c'est que quand vous voyez un paquet de cigarettes, et que vous voyez l'avertissement, le nucleus accumbens est activé en premier. C'est la zone du cerveau liée au désir. Donc, vous voyez le message de santé, et dix secondes plus tard vous allumez une cigarette et vous vous sentez bien. Dix minutes plus tard, vous reproduisez le même cycle. Vous finissez par associer les messages à « se sentir bien ». Ce que nous voulons faire c'est inverser la tendance. Déconnecter le lien entre le message de santé et « se sentir bien ». Pour ça, il faut changer le format des messages en permanence. Un jour le paquet est blanc, un autre il y a du texte, ensuite c'est une image, puis le paquet est rouge. Vous changez la couleur, vous changez le format, tout le temps, pour déconnecter le lien entre le réflexe pavlovien et le message de santé. Voilà le genre de conseils que je donne ».
H - Le sexe ne fait pas vendre.
Le sexe ne fait pas vendre. Nous le savons grâce à Buyology. On pensait le contraire. Cela a pu être vendeur dans le passé, mais il y a deux problèmes. D'abord, le sexe est envahissant pour notre cerveau. Dès qu'on en parle on ne pense plus qu'à ça, et on oublie la marque. L'autre problème c'est que de nos jours le sexe est accessible partout. Cela prend deux minutes sur internet. Le sexe n'est plus entouré de mystère comme il y a encore dix ans. C'est pour cela qu'il n'attire plus l'attention. Quand on voit des choses, comme en France il y a longtemps, une femme sur une affiche qui promettait chaque semaine d'en montrer un peu plus. Malgré son succès, cette campagne avait suscité la controverse. Et c'est pour cela que les gens en parlaient. Cela n'arriverait plus aujourd'hui. Si on le refaisait en France, personne ne réagirait. Parce qu'on est blasé. Donc le sexe ne fait pas vendre.
I - Avec tout ça, on nous ne manipule pas.
Pour Olivier OULLIER, Chercheur en neurosciences (université Aix-Marseille) : « En aucun cas aujourd'hui un marketeur honnête va vous dire j'ai la réponse absolue, la publicité qui marche à 100% grâce aux neurosciences. D'un autre côté, il serait hypocrite de dire que ça ne marche pas et que ça ne sert à rien. Aujourd'hui on est dans un cas où si on parle d'apprentissage à la lecture ou soigner certaines pathologies, les neurosciences aident et on est d'accord pour dire que ça apporte des éléments. Alors si ça apporte des éléments pour ce type d'études qui vont dans le sens du « bien public », ça aide aussi à comprendre le comportement du consommateur ».
A.K. Pradeep, PDG NeuroFocus Berkley USA : « Nous n'avons rien à voir avec la manipulation. Nous nous contentons de mesurer. Nous ne faisons pas de publicité ni rien de subliminal, nous n'allons même pas dans cette direction. Une bougie peut donner de la lumière, une bougie peut brûler un immeuble. Il faut être prudent quant à l'usage de la bougie et ne pas blâmer la bougie. Je fais confiance à l'espèce humaine pour faire ce qu'il y a de mieux avec ce nouveau savoir. Je prends le pari que plus nous en saurons sur nous-mêmes, meilleurs nous serons ».
Londre, Centre for Neuroimaging Sciences, Gemma Calvert : « Je ne vois pas l'intérêt économique qu'il y aurait à utiliser les données de l'imagerie ou les données psychologiques, pour manipuler les consommateurs. Parce qu'en vérité, si vous essayez de leur vendre une chose qu'ils ne veulent pas, et que vous le survendez, ils ne l'achèteront pas ».
Brian Knutson, chercheur en Psychologie, université de Standford : « Les neuromaketers s'intéressent à ces techniques car ils se disent : « Ah voilà un désiromètre », et je vais manipuler tout ça. C'est une façon simpliste de penser le fonctionnement du cerveau. C'est difficile d'en contrôler les applications. C'est la responsabilité des scientifiques : ils doivent donner leurs résultats au public, et en expliquer les usages possibles ».